Trois voleurs de feu - Gérard Le Hir-Vincent Moal-Jean Marie Henansal

 

 

TROIS voleurs de Feu 

 

Gérard Le Hir - Vincent Moal - Jean Marie Henansal

 

Ils étaient trois. Le destin aurait pu leur donner l’occasion de se croiser. C'eût été événement. Celui qui, parmi la foule étrangère, reconnaît un semblable, ne peut que ressentir la force de l’attraction fraternelle. Ils étaient frères, frères en poésie. Et celtes, chacun à sa manière. Deux d’entre eux, natifs de Brest, avaient dans le sang l’écho du zef au dessus du pont de Recouvrance, le troisième, originaire du Léon, pestait contre son pays sans âme. Ils étaient poètes et s’en inquiétaient guère. La vie passait avant la littérature et c’est ce qui pour ceux qui les ont côtoyés leur assure une place à part. Leur œuvre, dispersée ici ou là, ne leur faisait pas souci. Vivre était leur plus précieux poème. Aujourd’hui, tous trois disparus, ils nous appellent à cette exigence de dérive pour l’absolu pour reprendre un titre de Jacques Prevel. Leurs noms : Gérard LE HIR (parfois dit D’Ambreville), Vincent MOAL et Jean Marie HENANSAL.

 

 

Parution prévue au second semestre 2024.

 

 

Trois destinées dont l'exigence de poésie fut si absolue qu'elle les mena à la plus extrême marginalité. Gérard Le Hir s'exila en ermite dans un petit bois du Léon, Vincent Moal porta en lui et jusqu'à l'auto-destruction, les douleurs de la Guerre d'Algérie, Jean Marie Henansal, totalement asocial, s'égara sur les chemins de la solitude. Trois témoins de la difficulté de vivre l'absolu, cette aile avant qu'on la rogne. Trois poètes essentiels de Brest et du Léon, à ce jour inconnus ou juste de quelques happy few. Leurs œuvres jamais réunies trouveront ici leur juste publication.

 

 

(Avant-propos de Daniel Malbranque, brestois, ami, compagnon des trois auteurs, poète, animateur de revue littéraire).

 

  

Livre en trois parties séparées, comprenant les textes ou ensemble de textes regroupé dans un livre, articles de presse, parution en revue, lettres et commentaires des auteurs. 

 

Partie 1. Gérard Le Hir.

 

Amour au grand soleil

Poèmes

Miracle de la Félibrée

Article du Télégramme de Brest (1972)

Article de Gérard Le Hir dans TOALETTE n°2 (mars 1972)

Extrait d'un dialogue entre Daniel Malbranque et Gérard Le Hir, in Le Vice et la Vertu n°1 (mai 1970)

Extrait du Chant des Oiseaux, de Daniel Malbranque 

 

Partie 2. Vincent Moal.

 

Les silves de la joie

Commentaires de l'auteur

Extrait du Chant des Oiseaux, de Daniel Malbranque

 

Partie 3. Jean Marie Henansal.

 

Que ma joie demeure

Lettres et poèmes

Extrait du Chant des Oiseaux, de Daniel Malbranque

 

 

Avant-propos de Daniel Malbranque.

 

Le premier, Gérard Le Hir, né le 3 novembre 1929 à St Marc (aujourd'hui quartier intégré à Brest) vécut longtemps près de Plougoulm, à Ty Korn au lieu dit du Chant des Oiseaux, sa masure d'ermite débonnaire et délirant, au milieu des bois, devint au fil des années l'académie libre et libertaire de nombreux jeunes de ma génération. Peintre, poète, il fut le guide (sans qu'il s'en réclame) chez qui, tendres oisillons, nous prîmes le la, le large et le sens de l'au-delà. Il fallait suivre sa parole virevoltante, ouverte à tous les espaces, ouvrant les portes et les rêveries, juste, chaleureuse, attentive, véritable melting-pot culturel, souvent cocasse, toujours amicale, jamais satisfaite des simples évidences. Son physique d'elfe barbu bedonnant (à la mi-chemin entre Terry Riley et Verlaine vieillissant) nous donnait l'impression qu'il sortait tout droit d'un monde Tolkien. Un grand sage vivait près de St Pol de Léon (en Finistère) et peu s'en aperçurent : il était d'une autre planète.

 

Son œuvre picturale dispersée au gré de ses besoins alimentaires chez les commerçants ou cabaretiers locaux ou bien au gré de ses amitiés mériterait une rétrospective digne de cet artiste à la fois naïf dans son approche et vertigineux quant à son effet. Une œuvre toute dévouée à la courbe, symbole de sa pensée, son credo. Son œuvre poétique, également semée (Il faut que ça circule ! était l’une de ses expressions les plus récurrentes) au cours de ses pérégrinations nocturnes ou conservée par quelques amis de passage, répond à la même posture. Tout y est rondeur, rien ne pèse. Mais attention, derrière la simplicité apparente se cache l’art affiné de l’oriental qui affleurait en lui. Bashô et Benjamin Péret à la fois, c’est le miracle de son écriture.

 

Chassé de sa masure, un havre, par l’avancée du remembrement il émigra vers Châteauneuf du Faou. Vécut quelques années au bord du canal de Nantes à Brest. Y devint à nouveau un guide reconnu. En 1988, il fit un voyage en Occitanie à Ribérac chez son vieil ami le Professeur Guinahoëc. Il eut l'occasion alors d'assister aux festivités de la Félibrée, cette grande fête occitane. En fut émerveillé et rapporta un gros bouquet de tournesols qui trônait jour et nuit sur son lit. Un soir se printemps, le 27 avril 1989, revenant de quelque estaminet, il glissa (destin ou dessein ?) dans le canal. Il n'avait pas encore 60 ans. Son œuvre éparpillée n'a jamais été publiée.

 

Vincent MOAL est né à St Pol de Léon le 3 mai 1939. Lorsque je l'ai connu en 1969, il vivotait de petits boulots, à la limite de la légalité depuis son retour de la Guerre d’Algérie. Une période qui l’avait fortement traumatisé. Il avait été un temps correspondant local du Télégramme de Brest. Faisait le représentant pour des maisons d'édition d'encyclopédie. Pensionné, chômeur mais surtout poète et alcoolique invétéré, il errait de bar en bar à la recherche de quoi au juste, on ne savait, de lui-même sans doute. Il avait publié en 1967 un petit recueil intitulé Les Silves de la joie. L’ombre ironique et jaunâtre de Tristan Corbière s’y devinait : le même détachement cynique vis-à-vis de son propre destin, le sentiment chaque jour davantage d’être sur les lèvres d’un gouffre ou bien déjà dans l’antre d’un volcan. Malcolm Lowry était passé par là. En exergue de l’un de ses poèmes il avait emprunté à l’auteur d’Under The Volcano ce cri du cœur « Si notre civilisation devait dessoûler deux jours de suite, le troisième elle crèverait de remords. »

 

Vincent, je l’avais rencontré au moment où avec quelques camarades, dont Philippe Abjean, l'initiateur de la future Vallée des Saints à Carnoët, nous avions fondé un club de poésie dans la ville de Saint Paul Aurélien. La première réunion avait tourné catastrophe. Quelques amies accompagnées de leur chaperonnes de mères avaient été invitées. Pour notre malheur, Vincent aussi. Il avait débarqué fin-saoul, proférant tout un tas d’insanités qui ne pouvaient que choquer les âmes sensibles. On ne revit plus jamais les chères amies. Ni Vincent d’ailleurs dans nos réunions, qu’il trouvait, me confia-t-il un jour, être trop, comment dire, adolescentes et pas assez couillues, c’était le terme. « Et il n’y a rien à boire, penn ha gast ! ». Je le croisais à la fin de mon adolescence dans les bars à St Pol, de plus en plus perdu de boisson comme on dit, me ressassant toujours les mêmes histoires de la fille morte dans ses bras et du carnage des soldats à Ouarsenis en Algérie où il venait de débarquer. Il me mit également souvent en garde contre une poésie d'esthète qui n'avait pour lui aucun intérêt. A ce titre il n'appréciait guère l'autre gloire locale question poésie : Emile Queinnec qui faisait figure de poète officiel après avoir été lauré du Prix Maurice Rollinat en 1954 pour son recueil Il était une fois et du prix Paul L'abbé-Vauquelin en 1959 pour La mer et toi. Avec Gérard le Hir, les relations également étaient difficiles.  Je ne sus jamais ce qui les opposait. Ni l’un ni l’autre m’en touchèrent mot. Peut-être que deux vrais poètes dans une petite cité, c’était un de trop. Peut-être. Toujours est-il qu‘ils s‘évitaient. Vincent Moal est mort le 24 janvier 1986 à Brest.

 

Jean Marie HENANSAL. Né le 12 mai 1951 à Brest où sa mère était institutrice. Il était d'une autre génération, de celle qui par radicalisme avait choisi l'errance géographique, spirituelle ou mentale. Au sortir de ses études brestoises, il se fit chef d'entreprise (quelques mois) avant de succomber à la voix qui, une quinzaine d'années plus tard, l'emporterait. Hiver comme été vêtu d'un simple t-shirt (souvent déchiré) sous une veste fripée, le port haut, l'œil cynique, provocateur il pouvait inquiéter ceux qui l'approchaient pour la première fois. C'est le feu qui le travaillait, ne tolérait aucune mièvrerie, aucune complaisance. La vie pour lui était un véritable théâtre de la cruauté, il s'agissait d'avoir la même exigence et de ne jamais faiblir.

 

 

Sans que je le rencontre à l'époque (en 1971-1972) il avait collaboré à Toalette, la revue anarcho-Dada que j'animais sur le campus brestois. Puis en 73-75 lors de mon retour sur Brest, participant largement au milieu underground nous nous sommes souvent côtoyés ( ce qui lui donna l'occasion d'un récit cynique dans sa pièce Que ma joie demeure) et vécûmes quelque temps ensemble en haut de la rue Jean Jaurès dans un dénuement et un délire total à la mesure de notre absolutisme qui voulait dire refus du système et refuge stupéfiant. J'ai longuement raconté cette période époustouflante dans mes deux livres Aller voir ailleurs et La perte des rêves, tous deux publiés aux éditions Germes de barbarie.

 

Après ces années de dérive brestoise, son errance le mena au Japon où il tenta de devenir, sans succès, moine zen, à Bangkok d’où il dut être rapatrié, en Irlande où son intransigeance à nouveau lui posa problème. Durant toutes ces années il fut suivi par différents analystes, fréquenta quelques hôpitaux. Son esprit définitivement ailleurs, avait décidé que notre monde était trop lâche pour être considéré. Au milieu des années 80 il vint me voir en Dordogne. Il sortait d’une « maison de cure » bordelaise. Il se sentait dépressif. Il rencontra le Professeur Guinahoëc qui l’hébergea quelques jours. Un soir, lui présentant un poignard, il supplia le Professeur de faire le geste ultime à son encontre. Provocation ? Ainsi était Jean Marie.

 

 

Il s’en retourna à Brest, Le Pays sans moi d’Armand Robin en poche. Quelques mois plus tard je le rencontrai dans un bus rue de Siam, l’air effaré. Il me reconnut à peine, s’éloigna brusquement en me criant dans les oreilles : « Tu n’es plus Kraspeck !!! », Kraspeck le surnom qu’il me donnait autrefois et personnage de sa pièce autobiographique « Que ma joie demeure ! ». Je m’aperçus qu’une énorme balafre lui barrait la gorge. Ce fut la dernière fois que je le vis. Quelques temps plus tard j’appris qu’on avait découvert son corps chez lui. L’overdose d’être l’avait submergé. Le 12 mai 1990 à Brest, jour de son anniversaire. Il n’avait pas quarante ans. Il est grand temps de présenter au grand jour son œuvre (poèmes, pièces de théâtre) éparpillée, de la découvrir à sa juste valeur : celle d’un haut poète grand oiseau de l’espace intérieur.

 

*

 

Ces trois poètes, à leur manière, furent des Voleurs de Feu. Le feu les dévora. que la braise qu'ils semèrent dans leur sillage enflamme à leur tour notre soucis d'exister.

 

Daniel MALBRANQUE

 

 

Renseignements complémentaires prochainement.

 

Pour la première fois les textes de ces trois poètes paraitront regroupés chez un éditeur, la plupart des textes étant à ce jour inédits. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gérard Le Hir

 

Daniel Malbranque, né à Brest le 23 février 1953, poète se disant anachorète onirique. Père breton, mère alsacienne. Premières années passées à Brest avant de suivre la famille partie s’établir à Dreux dans l’Eure-et-Loir. Retour en Bretagne en 1964. Effectue toutes ses études secondaires à Saint-Pol-de-Léon, au lycée du Kreisker.

 

Après deux années d’études supérieures (philosophie à Brest et Bordeaux), il répond à l’appel d’André Breton : «Lâchez tout !». Vit en communauté à Brest durant deux années (1973-1975), avant de parcourir en auto-stop la France, l’Europe et une partie de l’Asie.

 

En 1982, il devient animateur de Radio Liberté (Ribérac), puis secrétaire. En 1991, il accepte la direction de la même radio et devient président de la FDPRLA (Fédération Dordogne-Périgord des Radios Libres Associatives) en 1992. Dans la foulée, il devient secrétaire de la FARL (Fédération Aquitaine des Radios Libres), sous la présidence de Mme Geneviève Teyssier. Il quitte en 1998 le monde de la radio pour suivre l’exemple de son père et rentrer dans l’administration des Finances.

 

Premiers poèmes dès l’âge de 15 ans, avec la découverte des surréalistes. Création d’un petit groupe à Saint-Pol-de-Léon, regroupant Philippe Abjean, Vincent Moal, Gérard Le Hir. Publication d’une micro-revue, Le Vice et la Vertu. Durant ses études à Brest, il crée et anime la revue Toalette (1971-1972), fanzine anarcho-situationniste.

 

Création de l’émission Poètes, vos papiers sur Radio Liberté (1982-1988). Membre des Amis de la Poésie (Bergerac), animé par Annie Delpérier, membre du club des Hydropathes de Périgueux, créé par Jean Boussuges ( † ) et Jean-Claude Lemoine, présidé par Maurice Melliet. Depuis 2018, co-fondateur du collectif de La Vie Multiple sur Bergerac et animateur de la revue éponyme. Fait partie du comité de rédaction de la revue littéraire Instinct Nomade. Nominé au prix Troubadours 2020. Dernières publications : La Perte des rêves (éd. Germes de barbarie, 2022), Aller voir ailleurs (éd. Germes de barbarie, 2020), Des nuits de l'outre-soi & de certains jours renaissants (éd. Germes de barbarie, 2019), Cette voile sobre qui cingle (éd. Thierry Sajat, 2017), Comme un reflet sur l'au-delà (éd. Thierry Sajat, 2015).